Chers élèves et parents,

Voici un texte pour se rappeler de bons souvenirs, et le lien où vous pouvez télécharger la vidéo du spectacle si vous ne l'avez pas déjà fait. 

Geneviève Cazeaux

 

DANS L'ANTRE DU DRAGON

 

    Les parents sont presque invisibles, loin, là-bas, dans la marée des spectateurs, noyés sous la dorure magistrale et les balcons du Grand-Théâtre. Aux enfants la scène, les entrailles du bâtiment où ils déambulent comme chez eux, les applaudissements et l'émotion du lever de rideau.

    Dans "La légende du Roi Dragon", les 208 petits chanteurs ne sont pas qu'un chœur, ils sont l'histoire. Divisés en plusieurs groupes, certains interprètent les narrateurs, et d'autres le Roi Dragon lui-même. Coiffés de cagoules scintillantes, Mathéo et Daïma se relayent pour glisser leur tête dans un énorme œil en carton rouge et bleu et incarner la pupille flamboyante du monstre souverain. Une partie de leurs camarades ont pris place dans la gueule colossale du Dragon, tandis que les autres, chaussés de longues guêtres dorées, miment les griffes du rutilant personnage. Ils ont 10 ans, ils sont en CM2. Pendant deux heures trente, ils interprètent un opéra.

    Chacun est concentré et connaît son rôle sur le bout des doigts. La présence des cinq solistes professionnels rassure et impressionne à la fois. Ils ont rejoint les répétitions dans la dernière ligne droite. Un an déjà que les enfants, recrutés au sein de huit établissements bordelais classés en zone d'éducation prioritaire, s'attelaient à ce défi d'apprentissage et de mise en place. Dans leurs écoles, d'abord, où les a régulièrement rejoints un chef de chœur, pour les guider à travers la partition, leur enseigner la façon de poser leur voix, d'utiliser leur corps, leur souffle. Puis dans le grand foyer de l'opéra, au cours d'intenses tutti accompagnés au piano. Ce n'est qu'en foulant pour la première fois la scène que les jeunes artistes ont enfin vu s'assembler les éléments de ce projet tonitruant, et perçu qu'après la rigueur des exercices venait la jubilation d'un tohu-bohu parfaitement huilé.

    A la fin de l'ultime représentation, le 20 novembre, Matéo, Daïma et leurs copains font durer le plaisir. Les filles demandent des autographes aux chanteurs lyriques, à Arthur Lavandier, le compositeur, et Marc Leroy-Calatayud, le chef d'orchestre. De retour vers l'école, à la nuit tombée, il y a de la fierté et des cœurs lourds. "Ce qui m'a rendu vraiment heureux, confie Sacha, c'est de saluer la salle avant que le rideau se baisse."                                             

                        Texte de Laure Espieu

                        paru dans MAG Sud-Ouest